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Diabétiques, certains métiers vous tournent le dos !

15/11/2019
Aujourd’hui, si comme Magali, Jean-Marc et Yoann vous êtes atteint d’un diabète, vous ne pouvez pas être pilote d'avion, pompier, conducteur de train ou policier. La raison ? La réglementation vous l’interdit. En effet, elle ne prend pas en compte les progrès thérapeutiques, les innovations technologiques et les conditions actuelles d’exercice des métiers. A l’occasion de la Journée mondiale du diabète, le 14 novembre, la Fédération Française des Diabétiques, lance une pétition pour interpeller les autorités sur les discriminations que subissent les personnes diabétiques dans l’accès et le maintien à l’emploi pour certaines professions.
  

>> Les professions interdites aux personnes atteintes de diabète

 
A l’injustice de la maladie s’ajoute une discrimination incompréhensible pour les 4 millions de personnes diabétiques. En France, les personnes atteintes de diabète subissent des limitations dans l’accès à des métiers réglementés. Ces métiers regroupent des professions dans divers secteurs d’activité : marins, personnel navigant commercial, personnel navigant technique, police nationale, gendarmerie, douanes, contrôleur de la SNCF, etc. Parce qu’avant d’être malades, nous sommes avant tout des citoyens, la Fédération Française des Diabétiques revendique un accès et un maintien dans l’emploi adaptés à chaque personne diabétique. Elle œuvre tous les jours pour que cette injustice soit corrigée et que les aptitudes soient évaluées au cas par cas selon le poste, l’aptitude de la personne, l’équilibre de son diabète et sa compréhension de la maladie.

>> L’avis de l’expert

« La Fédération a soutenu deux jeunes personnes diabétiques, l’un a postulé pour être adjoint de sécurité de la Police Nationale, l’autre comme gardien de la paix de la Police Nationale. Tous les deux ont été déclarés inaptes en raison de leur diabète de type 1. Pourtant tous deux ont un diabète bien équilibré et parfaitement géré, tous deux sont très sportifs, l’un sauveteur en mer et secouriste à la Croix Rouge, l’autre sportive de haut niveau, Championne de karaté. Dans les 2 cas, les tribunaux administratifs ont annulé les décisions qui ne tenaient pas compte de l’état de santé réel des requérants et de leur parfaite condition physique », précise Maître Sylvie Papasian, avocate de la Fédération.

 

>> Alizée Agier n’a pas pu être policière     


 Alizée, championne du monde de karaté, est diabétique de type 1. Elle passe le concours de gardien de la paix, placé sous la responsabilité de la Police Nationale (Ministère de l’Intérieur). De l’admissibilité à l’admission, les étapes sont jalonnées d’épreuves écrites, physiques, psychotechniques et orales. Elle passe avec succès les épreuves. Concours réussi donc, jusqu’au jour de la visite médicale. Quand on lui demande si elle est diabétique, elle répond « oui ». Le médecin est embarrassé, il ne sait pas trop quoi faire, consulte ses collègues. Tous semblent enclins à la déclarer apte, étant donné que son diabète est équilibré, qu’elle est une sportive de haut niveau. Incertains, ils sollicitent l’avis des médecins de Paris (le Médecin chef). Ce sera un “non” catégorique.


 
>> Yoann réformé de la gendarmerie     


 « En novembre 2017, alors que je n’ai aucun antécédent dans ma famille, je suis diagnostiqué diabétique de type 1. A l’époque, je suis la formation d’officier de police judiciaire, qui dure quatorze mois. J’ai pleinement conscience que ma santé se dégrade sérieusement, je ne sais pas pour quelle raison, mais je m’obstine à terminer ma formation dans le silence avant de me soigner. Je connais les conséquences d’une maladie sur le travail. A l’issue de mon hospitalisation, rendez-vous est pris avec le service médical militaire, qui décide de me retirer le port de l’arme, mes permis de conduire militaires et de m’interdire de sortir de la caserne durant les heures de service. Je savais que j'allais mettre le doigt dans un engrenage difficile. On le vit comme un affront et une humiliation d'être considéré comme non-opérationnel. Je devais répondre à deux questions : Quel métier te plairait ? Et dans quel métier tu serais bon ? » Aujourd'hui, Yoann est agent de recouvrement auprès de l'Urssaf.

Découvrez le témoignage de Yoann

>> Des évolutions à l’échelle individuelle aujourd’hui possibles mais trop  « précaires »


Jean-Marc est sapeur-pompier professionnel depuis 2001. Il déclenche un diabète de type 1 en 2008.  En accord avec le médecin-chef de l'époque, il est resté en unité opérationnelle avec un suivi médical strict. Le médecin chef est parti à la retraite et a été remplacé. Le nouveau médecin chef en place a décidé de le retirer du service opérationnel. Après discussion et concertation, le médecin chef a accepté de le remettre en opérationnel.  

Découvrez le témoignage de Jean-Marc

Magali n’a pas pu être sapeur-pompier professionnelle

 
Depuis l’âge de 4 ans Magali rêve d’exercer le même métier que son père devenu sapeur-pompier volontaire. A 14 ans, elle devient jeune sapeur-pompier puis à 16 ans, elle s’engage comme sapeur-pompier volontaire. Magali rejoint à 19 ans le Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille. « Cet engagement confirme ma vocation ». Elle décide donc de présenter le concours de sapeur-pompier professionnel qu’elle réussit. A l’âge de 29 ans, soit 15 ans après ses premiers pas chez les pompiers, elle déclare un diabète insulino-dépendant. Elle explique « Au-delà de l’apparition de la maladie, j’ai la sensation que tout mon monde s’écroule. En effet, au gré de mes recherches, je découvre que le métier est interdit aux personnes diabétiques, et que ma maladie entraîne une inaptitude […] À l’époque j’élève seule ma fille, je crains de perdre mon travail, de ne plus être en mesure de subvenir à ses besoins, et de risquer de la perdre. C’est pourquoi je garde le secret de cette maladie qui vient s’immiscer dans ma vie.» En 2012, c’est après une formation pour devenir chef d’agrès tout engin et la mise sous pompe à insuline que Magali décide d’en parler au médecin de service. Le couperet tombe brutalement : « inapte incendie ». C’est ainsi que sa vie bascule,  elle frôle la dépression. Après la naissance de son second enfant, elle reprend le travail. A cette occasion, elle rencontre le médecin chef qui lui dit que sa carrière est terminée chez les pompiers. « Vu mon jeune âge et mon niveau d’étude, je n’évoluerais plus et il vaudrait mieux que je quitte la profession…». Quand elle lui précise qu’elle envisage de passer le concours d’officier,  il lui répond qu’il ne peut pas l’empêcher de passer le concours mais qu’elle ne sera jamais recrutée dans le département.  Elle poursuit son projet de devenir officier de sapeur-pompier. Fin 2016, elle est admise au concours interne de Lieutenant de sapeur-pompier. Pour le temps de sa formation (32 semaines étalées sur une année), la restriction d’aptitude sur l’incendie est levée. Elle réalise sa formation sans aucun souci en participant au raid de cohésion, aux différentes épreuves physiques et sportives, à la formation incendie, au caisson incendie…  

À l’issue de sa formation, elle est affectée à son nouveau poste dans un emploi fonctionnel et ne peut pour le moment avoir la possibilité de pratiquer une activité opérationnelle, le médecin étant en pleine réflexion sur ce sujet. « Aujourd’hui je continue d’exercer le métier qui me passionne, cependant l’aspect opérationnel me manque énormément, je viens d’obtenir le concours de Capitaine. »

Découvrez le témoignage de Magali

>> Des métiers ou écoles autrefois interdits, aujourd’hui autorisés  


 En 2013, Mathilde, jeune fille diabétique de type 1, avait été reçue au concours d’entrée de l’École Polytechnique. Son rêve s’effondre lorsqu’elle est recalée « sans discussion à cause de son diabète » à la visite médicale de l’Ecole Polytechnique, alors qu’elle y avait été admise après 2 ans de classe préparatoire. Elle intègre alors l’école Centrale de Paris pour devenir ingénieur aéronautique. Elle a alors sollicité l’aide de la Fédération Française des Diabétiques qui a sollicité un entretien avec le directeur général de l’école, afin de savoir dans quelle mesure une nouvelle réglementation pouvait être mise en place. La demande a été entendue positivement et dès le 27 mai 2014, est paru un nouvel arrêté modifiant celui du 18 mars 1999 relatif aux différentes filières du concours d’admission à l’École Polytechnique. Ce nouvel arrêté précise que l’aptitude médicale du candidat répond aux stricts besoins de la scolarité. Dorénavant, l’admission n’est plus soumise à la référence du SIGYCOP*.(Le SIGYCOP est un profil médical permettant de déterminer l'aptitude d'un individu à exercer dans l'Armée française ou dans la Police nationale française.)
Suite à cette discrimination et à l’action de la Fédération Française des Diabétiques une nouvelle réglementation a été mise en place. L’École Polytechnique a fait évoluer ses critères d’admission afin de traiter au cas par cas les candidatures concernant des maladies chroniques. La parution d’un nouvel arrêté du 27 mai 2014 a modifié les critères d’admission et permet depuis à des candidats, par exemple atteints de diabète, d’intégrer le cycle ingénieur de l’École Polytechnique et de suivre la scolarité, en s’affranchissant des critères militaires. 

>> Une avancée  en 2019 pour les « gens de mer »  


 Suite aux négociations de la Fédération, (depuis l’arrêté du 5 juillet 2019 modifiant l’arrêté du 3 août 2017 relatif aux normes d’aptitude médicale à la navigation des gens de mer), un patient  insulino-dépendant ou insulino-requérant peut désormais exercer les fonctions d'agent du service général ou de gens de mer non marin sur les navires pratiquant au maximum la deuxième catégorie de navigation à la condition que le diabète soit « correctement équilibré par le régime alimentaire et le traitement médicamenteux et ne pas présenter de complications. Le patient doit avoir une bonne compréhension de la maladie. »  Cela implique une décision au cas par cas par le collège médical maritime selon « la nature du traitement, les résultats des examens biologiques, la navigation pratiquée et les fonctions exercées à bord. » Néanmoins, malgré ces évolutions « Le diabète insulino-dépendant ou insulino-requérant n'est pas compatible avec l'exercice des fonctions de conduite de navire et de veille en passerelle. » >> Ainsi, une personne atteinte de diabète peut désormais exercer les métiers de l’hôtellerie sur un bateau de croisière.

 

>> Les réglementations évoluent plus vite ailleurs !


Ces discriminations n’ont plus lieu d’être d’autant que d’autres pays ont d’ores et déjà permis aux personnes atteintes de diabète d’accéder à des professions interdites en France.  
>> Il est possible d’être pilote de ligne quand on est diabétique au Canada. Les pilotes atteints de diabète doivent voler dans un environnement de deux équipages (avec un copilote) et surveiller leur glycémie avant chaque vol, toutes les heures en vol et 30 minutes avant l’atterrissage.
 
>> Au Royaume-Uni, depuis 2012, les pilotes qualifiés et les aiguilleurs du ciel atteints de diabète traités par insuline et d’autres médicaments peuvent effectuer toutes les tâches d’exploitation y compris les vols d’avions commerciaux.
 
>> Aux États-Unis, une personne diabétique de type 1 ou 2 sous insuline peut exercer en tant que pompier à condition de respecter un certain nombre de critères médicaux et de compréhension de la pathologie.

 

>> Des évolutions dans la prise en charge des diabètes


 >> Les diabètes, c’est quoi ? En 2015, la France compte 3,7 millions de personnes traitées pour diabète soit 5,4 % de la population. Il existe différents types de diabète, principalement le type 1 (environ 6 %), le type 2 (environ 92 %) et 2 % concernent les diabètes rares. À ces chiffres, il faut ajouter entre 500 000 et 800 000 personnes qui ignorent qu’elles sont atteintes de type 2. Le diabète de type 1 et le diabète de type 2 sont les formes les plus courantes de diabète.
 
Le diabète de type 1

Autrefois appelé diabète insulino-dépendant, le diabète de type 1 est une maladie auto-immune dans laquelle, sans une prise en charge médicale rapide, le pronostic vital est engagé. Pour des raisons encore mal connues, les cellules du système immunitaire détruisent par erreur les cellules qui sécrètent l’insuline, les cellules bêta du pancréas. Les scientifiques ignorent encore les raisons précises pour lesquelles se produit cette destruction des îlots de Langerhans chez certaines personnes. Parmi les pistes envisagées : une prédisposition génétique et des facteurs environnementaux. Le diabète de type 1 survient brutalement lorsque le pancréas ne fabrique plus suffisamment d’insuline. Sa manifestation soudaine, chez des personnes souvent jeunes, se traduit par des crises symptomatiques : soif intense, urines abondantes et fréquentes, amaigrissement rapide l’unique traitement actuel est l’apport d’insuline sous forme d’injections pluriquotidiennes (avec un stylo ou une seringue) ou via une pompe (appareil externe ou implantable).

Le diabète de type 2

Le diabète de type 2, forme la plus fréquente de la maladie, représente plus de 90% des cas. Il apparaît généralement chez des personnes de plus de quarante ans. Il n’existe pas une cause précise mais un ensemble de facteurs : facteur génétique : le facteur familial est tout à fait prépondérant. Des antécédents de diabète du même type sont souvent présents dans la famille. Les facteurs environnementaux : alimentation déséquilibrée, manque d’activité physique, responsables du surpoids. Sournois et indolore, le diabète de type 2 est une maladie évolutive qui peut passer longtemps inaperçue. Selon certaines estimations, il s’écoule, en moyenne, 5 à 10 ans entre l’apparition des premières hyperglycémies et le diagnostic. Deux anomalies sont responsables de l’hyperglycémie : Une mauvaise utilisation de l’insuline par les cellules de l’organisme : c’est l’insulinorésistance. Cette résistance épuise progressivement le pancréas qui finit par ne plus assurer une production suffisante d'insuline. Ainsi, le glucose ne pénètre pas dans les cellules du corps et reste dans la circulation sanguine. Le taux de glucose dans le sang n’est alors plus régulé par l’insuline. Le pancréas fabrique toujours de l’insuline mais pas suffisamment, par rapport à la glycémie. Il s’agit de l’insulinopénie.
 
Pour traiter le diabète de type 2, des mesures hygiéno-diététiques (alimentation équilibrée, activité physique régulière) sont préconisées en première intention.  Des traitements antidiabétiques oraux ou injectables sont prescrits mais toujours  associés aux mesures hygiéno-diététiques lorsqu’elles ne suffisent plus à elles-seules à équilibrer la glycémie. Après l’augmentation progressive des antidiabétiques (escalade thérapeutique), des injections d’insuline seront proposées au patient si la carence en insuline est trop importante.

Des  progrès thérapeutiques et technologiques  

Les progrès thérapeutiques (analogues de l’insuline…) associés aux progrès technologiques (pompes à insuline, mesure en continu du glucose …)1, et l’éducation thérapeutique permettent une meilleure autonomie, flexibilité, et une diminution des contraintes (horaires et alimentaires) qui faisaient autrefois la base incontournable du traitement du diabète et de sa rigidité. Ces éléments doivent être pris en compte car ils ont été pendant longtemps la base des restrictions professionnelles pour les personnes atteintes de diabète. Ainsi, à l’heure actuelle, une personne diabétique peut mener une vie personnelle, sociale et professionnelle équilibrée. Les progrès thérapeutiques, et par conséquent, l’allongement de l’espérance de vie permettent aujourd’hui aux personnes diabétiques d’améliorer leur qualité de vie et ainsi d’accéder à une grande majorité de métiers sans risque pour eux ou pour l’entourage. Tous ces progrès ont permis d’adapter au mieux le traitement au mode de vie des patients.


 
 >> L’avis de l’expert


« Aujourd’hui, c’est tout à fait possible grâce aux progrès technologiques », constate le Professeur Gérard Lasfargues, diabétologue. Les dispositifs d’auto-surveillance glycémique - beaucoup plus simples à utiliser couplés à des modalités de traitement efficaces - permettent de se contrôler, de s’auto-surveiller de façon beaucoup plus précise et efficace qu’avant. « Le risque d’hypoglycémie et de complications en général peut de ce fait être mieux maîtrisé. Grâce aux progrès faits en diabétologie, la personne diabétique est capable de tenir la plupart des emplois. »  

 

>> Une pétition pour faire évoluer la réglementation


 A l’occasion de la Journée mondiale du Diabète, la Fédération Française des Diabétiques lance une campagne pour informer le public et interpeller les pouvoirs publics  « Diabétiques, certains métiers vous tournent le dos ». Une pétition est lancée pour demander la révision des textes réglementaires qui interdisent aux personnes diabétiques d’accéder à certaines professions afin qu’elles puissent exercer le métier de leur choix au regard de leurs aptitudes et de leur état de santé, au cas par cas.
 
 
Pour soutenir les personnes atteintes de diabète qui ne peuvent exercer  la profession de leur choix et la Fédération Française des Diabétiques, signez la pétition :  
 

  https://www.mesopinions.com/petition/sante/diabetiques-stop-aux-metiers-interdits/73903