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Numérique et santé : du rapport à l’action...

16/10/2015
Benoît Thieulin et Virginie Fauvel, respectivement président et membre du Conseil national du numérique, viennent de  remettre  à  la  ministre  des  Affaires  sociales,  de  la  Santé  et  des  Droits  des  Femmes le rapport qu’elle leur a demandé. Son titre-étendard : « La santé comme bien commun de la société numérique ».

Bien vu

Les deux auteurs souhaitent que le numérique, qui provoque des ajustements douloureux dans certains domaines de l’activité économique, permette de « construire le réseau du soin et du prendre soin ». Ils envisagent sous cet angle les innovations thérapeutiques et organisationnelles tant dans le domaine de l’offre de soins que celui de
la prise en charge au domicile, sans oublier les aidants. Dans le monde des associations d’usagers du système de santé on ne peut que saluer ce changement de perspective tant on a trop souvent
l’impression que c’est la santé qui doit se mettre au service du numérique !

Le défi du numérique à visage humain

Le CISS partage l’essentiel des constats du rapport et salue l’ensemble des propositions émises. Notamment le souci de toujours articuler ensemble les solutions numériques et l’intervention humaine. A
l’opposé de ceux qui prophétisent la « médecine sans médecins ». Dans son intervention lors de la remise du rapport, Marisol Touraine
a donc bien eu raison d’insister sur le nécessaire développement du numérique dans un cadre « respectueux du patient et du professionnel qui l’accompagne ».

Quatre urgences

Alors que le CISS s’apprête à dégager un consensus interassociatif sur les enjeux de la e-santé, quatre questions nous semblent prioritaires :

  • Pour faire vivre les recommandations du rapport, dans un contexte de contrainte sur les budgets des ménages, spécialement pour ceux confrontés à des restes à charge élevés, les outils numériques doivent intégrer le panier  de  soin  de  l’assurance  maladie  universelle  et  solidaire.  Il  apparaîtrait  insupportable  que  le numérique soit un facteur de creusement des inégalités d’accès aux soins.
  • La modernisation de l’action publique : alors que le site d’information grand public prévu par l’article 21 du projet  de  loi  de  modernisation  de  notre  système  de  santé entre  envoie  de  conception, quelle approche participative via les outils numériques ? Tant pour sa construction que pour sonanimation en « vie réelle ». S’apprête-t-on,  une  fois  de  plus,  à  créer  un  modèle  descendant,  à  rebours  des  promesses  participatives qu’autorise le numérique ?
  • Dans  la  suite  des  recommandations  du  rapport  sur  le  plus  haut  niveau  d’implication  du  patient  en  santé qu’induit le développement du numérique, il est  surprenant  que  la  communication du  nouvel  opérateur  public sur  le  dossier  médical  partagé ne fasse pas état des conditions pratiques de l’accès direct du patient à son dossier. Partagé oui, mais avec le patient ! Comme le recommande le rapport.
  • A l’heure de la circulation et du traitement massifs des données de santé par de très nombreux  opérateurs privés, quelles  nouvelles protections inventer pour éviter  la fin de la vie privée ? Le sujet de l’Habeas Corpus numérique a disparu des radars. Dommage. Le rapport recommande d’intégrer davantage les enjeux éthiques  dans  notre  analyse  quotidienne de l’innovation en santé. Très justement. Et si on commençait par l’éthique du numérique : du consentement au droit à l’oubli, il y a de quoi faire !

Le numérique est un puissant outil d’adaptation de l’offre de soins aux attentes des citoyens. Il faut  en parler dans l’esprit que recommande le rapport. En commençant par appliquer ces bons conseils dans le cadre de l’action publique.