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Recherche sur l'insuline : réduire le nombre d'injections grâce aux nanoparticules

Des auteurs du prestigieux M.I.T. (Massachusetts Institute of Technology, Etats-Unis), viennent de publier les résultats d’une étude qui pourrait révolutionner l’administration d’insuline, même si l’adaptation est loin d’être facile et rapide. L’idée était dans l’air depuis quelques temps : pourquoi ne pas créer des nanomatériaux capables de distribuer l’insuline en fonction de la glycémie ?

La glycémie (taux de sucre dans le sang), varie en fonction de la journée et certaines personnes diabétiques doivent s’injecter plusieurs fois par jour de l’insuline, l’hormone naturelle qui fait baisser la glycémie et qui leur fait défaut. Cela entraîne de l’inconfort mais aussi des risques de malaise.

 

Les nanoparticules, malgré le débat qu’elles suscitent, permettent d’assembler des composés organiques minuscules (on est à l’échelle de la molécule, voire de l’atome) pour en tirer des propriétés étonnantes.


C’est chose (quasi) faite ici. Les chercheurs ont utilisé des complexes chargés électriquement qui, une fois injectés dans le corps, forment un maillage laissant passer le sang.

 

Ces complexes sont formés d’insuline, de dextran, et d’une enzyme qui dégrade le glucose en un composé appelé acide gluconique, qui « casse » le dextran et permet ainsi la libération de l’insuline. Ce système a ceci de particulier de s’adapter immédiatement à la glycémie. Injectées sous forme de gel à des souris modèles de diabète, ces nanoparticules ont permis de réguler la glycémie sans nouvelle injection pendant … dix jours !


Toutefois cette idée avait déjà été testée sur des implants il y a quelques années et n’avait pas permis un développement pharmaceutique. Il y a encore des problèmes (de cinétique par exemple) à régler. C’est donc un travail qui apporte un grand espoir mais qu’il faut prendre avec précaution, il y a de nombreuses étapes à franchir avant d’imaginer un traitement efficace chez l’Homme.

* Source :
Injectable Nano-Network for Glucose-Mediated Insulin Delivery
Zhen Gu, Alex A.Aimetti, Qun Wang et al.
Revue ACS Nano, 2013, 7 (5), pp 4194–4201
Mai 2013


Auteur : Loïc Leroux

Crédit photo : © KaYann - Fotolia.com

 

 

L'avis de l'expert
Pr Jean-Jacques Altman
, Responsable de l’unité fonctionnelle « Diabétologie, nutrition et endocrinologie » – Hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris (75)

“Injectable Nano-Network for Glucose-Mediated Insulin Delivery” ou encore « Injection de nano-particules pour relargage d’insuline médié par la glycémie ». Cet article * paru récemment dans un journal de « haute technologie »* est essentiellement présenté sous la forme : injection d’insuline tous les 8 jours pour les diabétiques.

Comment ça marche ?
On peut fabriquer sous forme de gel, un polymère de nano-particules, à l’intérieur des mailles duquel on peut « emprisonner » diverses substances dont de l’insuline et des enzymes. Quand le glucose pénètre dans le gel, il est dégradé en acide gluconique qui abaisse l’acidité locale ce qui a pour effet un relargage de l’insuline.

L’efficacité est-elle démontrée dans ce modèle ?
En fait, le diabète n’est qu’amélioré : glycémie en dessous de 2g/l au lieu de 4 (la glycémie normale de la souris se situe vers 1.20g/l).

La régulation fine de la glycémie, (un impératif pour réduire les complications à long terme) n’est pas du tout obtenue. Il y a une longue latence entre l’élévation glycémique et la riposte insulinique surtout quand le polymère vieillit . De plus, le dépôt sous-cutané du gel est vraiment très volumineux, environ 1 cm chez une petite souris. La réaction des tissus au voisinage présente une fibrose, vieillissement, au bout de quelques jours. La complexité des réactions chimiques libère des composants, plus ou moins identifiés, dont la toxicité serait "insignifiante" d’après les auteurs, une terminologie pas vraiment rassurante.

Est-ce vraiment nouveau ?
Non, il y a plus de 30 ans, déjà pour l’insuline, des polymères proches ont été expérimentés mais n’ont jamais dépassé les stades expérimentaux. La libération de produits pharmaceutiques par des "implants" est très ancienne : stérilet hormonal et dans le même domaine, implant contraceptif, et aussi stent actif à action locale anti-agrégante... Pour l'insuline, c'est d'autant plus séduisant que cela éviterait les piqûres.

Est-ce pour demain ?
Comme tous les progrès de la recherche, il faut rester raisonnable, entre réalisme et espoir : si toutes les optimisations étaient possibles et tous les problèmes réglés, si toutes les phases précliniques puis cliniques se déroulaient harmonieusement, la « commercialisation » pourrait avoir lieu au mieux dans un délai de 10 à 20 années…