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Portrait de Jean-Marc Brouart : un soldat du feu engagé dans la lutte contre les métiers interdits

Portrait de Jean-Marc Brouart, sapeur-pompier atteint d'un DT1

Du haut de son mètre 90, Jean-Marc Brouart est sapeur-pompier professionnel, avec un détail en plus : son diabète de type 1. Découvrez l’état d’esprit de ce sportif pour qui rien n’est impossible.  

« Prouve que c’est impossible avant de croire que c’est impossible »

Jean-Marc Brouart a 44 ans, les épaules saillantes et la carrure révélatrice d’une discipline de fer. Il a la mentalité de ceux pour qui « impossible » n’est pas français. Sapeur-pompier professionnel la semaine, entraîneur de basket le week end, et père de deux fils de 19 et 15 ans, avec qui il enchaîne les séances de sport, Jean-Marc est infatigable. Et lorsqu’il récupère, il s’engage bénévolement au sein de l’Association des Diabétiques de la Somme (AFD 80). Jean-Marc a tout d’un super héros, jusqu’au jour où une faille inattendue vient le placer du côté des personnes considérées comme « vulnérables ».  

En octobre 2008, alors qu’il est âgé de 27 ans et déjà caporal-chef en unité opérationnelle sur le centre de secours de Péronne dans la Somme, le diagnostic tombe : il est atteint d’un diabète de type 1. Après avoir passé un été à boire des litres d’eau, tout en continuant à faire beaucoup de sport et à travailler, il met la soif intense sur le compte de la chaleur caniculaire. Mais, rapidement, il constate une fatigue inhabituelle. Une fois le diagnostic posé, il est immédiatement pris en charge et traité par insuline  : «quel soulagement ! Je me sentais tellement mieux ! » déclare-t-il. Finalement, le diabète de type 1 chez ce combattant, semble avoir l’impact d’un coup d’épée dans l’eau : « Le diabète de type 1 a opéré comme une pression positive ; une raison supplémentaire de continuer le sport et maintenir un bon équilibre de vie. J’ai adapté le diabète à ma vie. » Mais, à aucun moment, Jean-Marc n’a pensé que cette maladie risquerait de lui faire perdre son métier.

Interdisez-moi de travailler : j’en ferais une bataille collective

« Les sapeurs-pompiers dans le cadre de leur métier, ont une visite médicale annuelle. La mienne, je l’avais faite en juin 2008 et tout allait pour le mieux. Ma glycémie à jeun était normale. Et en octobre j’étais diagnostiqué, c’est pour dire à quel point cette maladie frappe brutalement », explique l’adjudant-chef. 
Lorsqu’un pompier est atteint d’une maladie, chaque département dispose d’un médecin-chef-sapeur-pompier chargé de décider si le pompier peut rester en poste ou s’il doit être réaffecté à un poste administratif dans les bureaux. Dans la Somme, le médecin-chef connaissait déjà très bien le diabète. «J’avais un collègue du même âge que moi, qui avait déclaré un diabète de type 1 trois ans avant moi. », explique Jean-Marc. Le médecin savait donc qu’il était possible de continuer d’exercer le métier avec un diabète de type 1 et a laissé Jean-Marc poursuivre sa carrière.

« Cela a été un grand combat pour  réussir à garder mon métier »

Mais, en 2018, tout bascule. Une nouvelle médecin cheffe est nommée dans la Somme, après le départ à la retraite de l’ancien médecin. « À ce moment-là, nous étions trois sapeurs-pompiers atteints de diabète de type 1 dans le département et cela a été un coup de massue. La nouvelle médecin, a décidé d’appliquer les textes à la lettre et de nous affecter tous les trois à des postes administratifs. Pourtant, cela faisait déjà dix ans que j’étais diabétique. » Victime collatérale de cette grande injustice, Jean-Marc décide de se rapprocher de la Fédération Française des Diabétiques. Et comme tout sportif, il refuse de s’avouer vaincu avant le coup de sifflet final.

De cette injustice naît la campagne sur les métiers interdits

Les trois pompiers du département atteints par un diabète de type 1, sollicitent leur directeur départemental, qui rédige un arrêté pour les maintenir en poste, malgré l’inaptitude médicale prononcée par la nouvelle médecin cheffe.

De là, naît une lutte acharnée contre les métiers interdits aux personnes atteintes de certaines maladies chroniques. En 2019, un congrès est organisé à Toulouse, réunissant l’ensemble des médecins-chefs sapeurs-pompiers de France, sur lequel Jean-Marc a travaillé activement. « Ce moment était très incertain », se souvient-il. Les médecins exprimaient leurs doutes sur le plan juridique : que se passerait-il en cas d’accident ? Mais d’autres au contraire, étaient plus optimistes surtout grâce à l’arrivée des nouveaux outils de gestion du diabète comme le FreeStyle Libre et l’Omnipod. 
La même année, Jean-Marc est invité à témoigner à l’Assemblée nationale. Il rencontre alors la députée Agnès Firmin-Le Bodo. Ensemble, ils parviennent à mettre en place un texte de loi, sorti et adopté en 2021, permettant ainsi de supprimer la restriction d’accès à certaines professions en raison de l’état de santé.

« Transformer l’épreuve en force collective pour ouvrir toutes les voies à chacun »

« Finalement, l’ancienne médecin-cheffe sapeur-pompier de la Somme est partie exercer dans les Bouches du Rhône. Et c’est justement dans ce département qu’a été recruté le 1er jeune sapeur-pompier volontaire atteint d’un diabète de type 1 », raconte pour anecdote Jean-Marc. 
Il y a trois ans, Georges Petit, alors président de la Fédération, propose à Jean-Marc de devenir administrateur, rôle que le sapeur-pompier accepte et endosse, à-bras-le-corps. C’est à ce moment qu’il prend conscience de nombreuses autres formes de discriminations : « J’ai découvert les discriminations que subissaient les jeunes atteints de diabète, dès la crèche et jusqu’au collège. C’était sidérant d’apprendre qu’en 2021, en France, de telles situations existaient encore. »

D’administrateur à président de l’Association des Diabétiques de la Somme (AFD 80)

De fil en aiguille, Jean-Marc se rapproche de l’association « Fun en bulle » de Doullens, sa ville de résidence. Deux ans plus tard, Jean-Marc et les 15 bénévoles vraiment actifs de l’association impulsent une nouvelle dynamique : l’association rejoint la Fédération et change ses statuts, elle devient l’Association des Diabétiques de la Somme (AFD 80). Depuis, Jean-Marc est devenu président, d’une association en pleine expansion. Régulièrement, des Cafés Diabètes sont organisés, et un dispositif d’accompagnement Elan Solidaire est mis en place. 
« Nos bénévoles sont de plus en plus diversifiés. Au début il y avait pas mal de bénévoles proches de la retraite. Aujourd’hui de plus en plus de jeunes, notamment des étudiants, rejoignent cette aventure collective », se réjouit Jean-Marc. 
L’entraineur et père de deux garçons est particulièrement sensible à la cause des jeunes. Il collabore main dans la main avec une association locale dédiée aux jeunes enfants atteints de diabète. Ensemble, ils organisent des journées festives, pour les enfants. La prochaine, prévue pour le 1er semestre de l’année 2026, se déroulera à Amiens, sous réserve de trouver une salle disponible. 
Le président souhaite également mettre en place des actions de prévention dans les collèges et lycées, pour informer les jeunes sur le diabète de type 1 et 2. Il déclare : « La majorité des jeunes des collèges et lycées de France, seront touchés de près ou de loin par le diabète de type 2 dans leur vie. C’est une maladie que nous pouvons prévenir, retarder et anticiper. Il y a un travail à mener là-dessus. »

« À tous ceux qui considéraient ce projet comme dangereux, je tiens à dire merci. »

En juin dernier, Jean-Marc a ouvert les Assises de la Fédération à Amiens avec un message fort, et une philosophie visionnaire inspirée de Jules Verne : « À toutes celles et ceux qui trouvaient cela ridicule d’imaginer qu’une personne atteinte de diabète puisse exercer un métier de la sécurité, à tous ceux qui considéraient ce projet comme dangereux, je tiens à dire merci. »

Grâce à Jean-Marc Brouart et toutes les personnes engagées à ses côtés, un nouveau référentiel  permet désormais à toute personne atteinte de diabète de rejoindre les rangs des soldats du feu, avec une évaluation au cas par cas. Une victoire pour tous ceux à qui l’on a trop dit que c’était impossible.  

La Fédération continue d’œuvrer sans relâche pour démanteler les obstacles qui ferment l’accès à certains métiers aux personnes atteintes de diabète. Depuis 1997, c’est grâce à son service Diabète et Droits que la Fédération accompagne et conseille les personnes atteintes de diabète sur les problématiques qu’elles rencontrent en lien avec l’emploi. Pour en savoir plus sur ce combat historique, cliquez ici : Métiers interdits : un combat au cœur de la mission de défense de la Fédération.

Si vous avez des questions sur vos droits ou que vous souhaitez être accompagné dans vos démarches, Jeanne, notre juriste, est à votre écoute au service Diabète et Droits, par mail à l’adresse juriste@federationdesdiabetiques.org ou par téléphone le mardi de 8 h à 12h30 et le jeudi de 13h30 à 18 h au 01 40 09 24 25.

Vous souhaitez vous rapprocher d’une association locale ou devenir bénévole, consultez notre page dédiée : 
https://www.federationdesdiabetiques.org/je-rejoins-mon-asso-locale

Crédit photo: ©Jean-Marc Brouart