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Réforme(s) du médicament : voici nos attentes !

22/06/2011
Plusieurs représentants d’associations membres du CISS ont participé aux Assises du médicament qui ont permis de confronter les points de vue des parties prenantes dans ce domaine après la grave crise de confiance générée par l’exposition au benfluorex (affaire Mediator).

S’il peut être utile de penser à la mère des réformes, nous sommes intéressés, pour notre compte, à remporter quelques batailles. Nous pensons qu’elles sont décisives, car elles ont pour objectif de renforcer l’information sur le médicament, de réformer les mécanismes d’alerte sanitaire, de réguler favorablement l’utilisation du médicament hors-AMM et d’armer les associations pour qu’elles soient aux avant-postes dans la défense des intérêts des usagers des produits de santé.


1. Renforcer l’information collective et individuelle sur le médicament, en toute transparence.

  • Une base toxicologique des essais négatifs devrait être tenue afin de renforcer la vigilance à l’égard de molécules de même classe thérapeutique, proches ou comparables.
  • De même que l’accès au dossier d’enregistrement du médicament doit être rendu possible de façon généralisée.
  • Les réunions des instances ayant à traiter du médicament, que ce soit au sein de la HAS, de l’AFSSaPS, de l’InVS, ou demain du comité de coordination envisagé pour renforcer la vigilance dans ce domaine, doivent faire l’objet d’un compte-rendu synthétique, rendu public, faisant apparaître les avis minoritaires ET comporter des représentants des usagers.
  • L’information sur le médicament à destination du public doit devenir possible, sans confusion avec la publicité, sur la base de processus validés par les autorités publiques afin de dépasser les contraintes règlementaires de la notice qui ne permet pas une information pertinente pour le grand public.
  • Par ailleurs, un site public de référence, retraçant l’information sur une maladie et ses traitements, doit être mis en oeuvre sous l’égide d’une autorité indépendante.
  • Enfin la transparence des liens d’intérêts doit faire l’objet d’une vigilance accrue et d’une régulation nouvelle des conflits d’intérêts potentiels.


2. Réformer les mécanismes d’alerte sanitaire.

  • A l’avenir la rétention d’information délibérée sur un effet toxique du médicament doit être considérée comme une faute à l’égard de la collectivité nationale. C’est un délit d’atteinte à la santé publique. Il faut donc que tout professionnel ayant la connaissance d’un tel effet toxique soit obligé de le signaler à l’AFSSaPS, sous peine de sanctions pénales.
  • La pharmacovigilance doit être complétée par la pharmaco-épidémiologie qui serait confiée à l’InVS. L’exploitation des déclarations de causes de décès, qui doivent être obligatoirement renseignées par les professionnels concernés, pourrait, par exemple, livrer des informations d’une très grande pertinence pour la surveillance du médicament. La télédéclaration des causes de décès, telle que développée par l’Institut de Veille sanitaire, doit devenir la règle car elle permet de relever des informations plus fines et d’établir des liens de causalité plus rapidement que la déclaration papier actuelle.
  • Les moyens du comité de coordination des vigilances de l’AFSSaPS doivent d’ailleurs être renforcés de façon à ce qu’il puisse aussi se saisir des problèmes de pharmacovigilance liés aux effets des médicaments sur des populations étant effectivement amenées à les prendre dans la « vraie vie », mais sous représentées dans les études (femmes, enfants, personnes âgées, personnes cumulant deux pathologies souvent associées…) ainsi qu’aux ruptures d’approvisionnement qui ont des effets délétères sur la sécurité dans l’administration des traitements.
  • Les alertes sanitaires doivent faire l’objet d’une gestion dans le cadre d’une coordination des agences disposant de compétences en la matière et justifient la création d’un comité d’alerte susceptible d’être saisi, notamment, par les lanceurs d’alertes que peuvent être les professionnels de santé, les chercheurs et les associations.


3. Réguler favorablement l’utilisation du médicament hors-AMM.

  • Pour soigner de nombreuses maladies, les prescriptions hors-AMM sont un mal nécessaire et même essentiel. Elles requièrent obligatoirement un encadrement particulier par les autorités sanitaires. A cette fin, une véritable politique coordonnée et disposant de moyens significatifs doit être mise en oeuvre pour émettre des avis sur l’ensemble des utilisations hors-AMM existantes et à venir.
  • Un cadre adapté (procédure adéquates, financements publics et/ou privés, sanctions) doit être trouvé pour les études de validation de l’utilisation des médicaments hors-AMM trop souvent refusées par les laboratoires dans des hypothèses où leur usage intervient sur de faible échantillon ne permettant pas le recours aux études classiques de la procédure d’AMM, comme dans certaines chimiothérapies pédiatriques ou certaines maladies rares par exemple.


4. Armer les associations pour qu’elles jouent leur rôle dans la défense de l’intérêt des usagers.

  • Si l’accès aux données publiques du SNIIR-AM a été rendu possible pour certains acteurs, il faut bien reconnaître que les associations n’ont aucunement les moyens d’exploiter ces données en raison de la complexité des requêtes qui nécessite des collaborateurs. Il est inéquitable que les autres parties prenantes dans le domaine du médicament aient les moyens de concrétiser cet accès et que les associations d’usagers du système de santé en soient privées. Des ressources et un accompagnement doivent donc leur être alloués à cette fin, il en va de l’intérêt général.
  • Les conseils et collèges des instances ayant à connaître du médicament (HAS, AFSSaPS, InVS) doivent comporter des représentants des usagers. Cela doit également être le cas pour leurs commissions, y compris dans le comité de coordination des vigilances de l’AFFSaPS en charge d’évaluer la pertinence des éléments de pharmacovigilance qui lui sont remontés par les acteurs de santé ou les institutions publiques.

 

Nous appelons donc à des mesures ciblées, porteuses d’un changement d’échelle dans la transparence et l’information collective et individuelle de nos concitoyens. Nos recommandations sont soutenues par une phrase qu’il serait judicieux d’ajouter à la fin dupremier alinéa de l’article L 5311-1 du code de la santé publique : « Elle (l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) est en charge, avec la Haute autorité de santé et l’Institut national de veille sanitaire, du respect de la sécurité des usagers des produits entrant dans son domaine d’attribution. La politique publique du médicament fait l’objet d’une évaluation tous les cinq ans dans le cadre d’un rapport remis conjointement au Parlement par la Cour des comptes et l’Inspection générale des affaires sociales ».

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