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Témoignage

Jeanne, 23 ans

Il y a un mois jour pour jour, j'appris l'une des meilleures nouvelles que j'ai reçues depuis bien longtemps : ma candidature pour un poste d'un an en Guinée au sein d'une ONG a été acceptée ! Jeune ingénieure de 23 ans adorant voyager et m'immerger en contexte étranger, je recherchais ce type de poste depuis des mois, or j'ai appris à mes dépens qu'il n'est pas chose aisée de s'engager dans cette voie lorsqu'on a peu d'expérience comme moi !

D'où ma jubilation en cette belle après-midi printanière, qui venait récompenser une longue période d'efforts et de remise en question professionnelle.

Le défi du diabète en Guinée

Instantanément, mon cerveau se mit à réfléchir aux choses qu'il faudrait emmener, à l'organisation d'une fête d'au revoir et à toutes sortes de détails plutôt prématurés. Ce n'est qu'après quelques entretiens avec mon futur employeur et mon endocrinologue que je commençai à me soucier des conditions de traitement de mon diabète sur place.


En effet,  depuis bientôt 3 ans que je vis avec mon type 1, celui-ci ne m'a jamais posé le moindre problème et ne m'est encore moins apparu comme obstacle à quoi que ce soit. Or Dieu sait qu'il y aurait eu des occasions : qu'il s'agisse de voyages en itinérant (1,5 mois en Europe, 1 mois au Mexique), de longs séjours loin de la Métropole (10 mois au Mexique, 3 mois en Bolivie, 7 mois à la Réunion) ou encore d'activités sportives soutenues (escalade, baptême de plongée, randonnées, course d'orientation..), je n'ai toujours considéré mon "affection longue durée", comme ils l'appellent à la Sécu , que comme un aspect secondaire qui s'adapte à mes envies et à mon mode de vie, et surtout pas le contraire.


A une occasion seulement, cela s'est révélé discriminant pour moi : lors d'un entretien pour un poste similaire, le président de l'ONG à laquelle je postulai à l'époque a tranché tout net que ma maladie ne me permettait pas de m'engager avec eux. Son argument principal : ils ne souhaitaient pas avoir à assumer un risque supplémentaire, qui viendrait s'ajouter aux nombreux autres liés à leur activité en pays instables. Pour la première fois de ma vie, j'étais confrontée à un employeur potentiel pour qui j'étais avant tout une malade à gérer, avant d'être une personne qualifiée avec qui on pourrait chercher conjointement des solutions face à cette contrainte.

 

La déception fut amère, mais je décidai de ne pas tenir compte de son "conseil avisé" exprimé en les termes abrupts de : "arrêtez tout de suite de chercher dans cette voie-là car personne ne vous prendra !" Or cette fois, je réalisai que sa prophétie avait peut-être du vrai : subitement, mon diabète se muait en une barrière presque infranchissable, sous la forme  d'un "certificat médical de non-contre-indication", document indispensable pour compléter mon dossier.

 

Or, à mon plus grand désespoir, mon endocrinologue se refusait formellement à signer ce maudit papier. Pourquoi ? Pour la simple raison que ne connaissant pas les conditions locales, elle était contre le principe de mettre en jeu sa responsabilité (tout en m'assurant oralement qu'elle m'en sentait tout à fait capable). "Ecoutez, ma p'tite demoiselle, quand vous avez sauté à l'élastique, personne n'était là pour signer un papier sur vos capacités à sauter. Eh bien là, c'est pareil, vous prenez vos responsabilités !", voilà ce qu'elle me disait au cours de nos négociations qui ressemblaient plutôt à un dialogue de sourds !


Heureusement, c'est là que l'AFD m'a en quelque sorte sauvée, en me fournissant rapidement le fameux certificat demandé. Mais aussitôt que ce problème disparut, un autre apparut : on exigeait à présent de moi un certificat attestant que les conditions locales me permettaient d'être prise en charge en cas de souci. Je dus une fois de plus puiser dans mes ressources intérieures pour ne pas céder à l'abattement : qui pourrait et voudrait signer un tel papier ?

 

Fort heureusement, je réussis après bien des mails, coups de fil et tractations à obtenir ce certificat supplémentaire, qui ne me parviendra cependant que 4 jours avant mon départ. Et je ne parle pas de l'organisation de l'approvisionnement en insuline, bandelettes et tout le reste, étant donné qu'aucun de mes médicaments n'est disponible sur place...


Le plus dur dans cette histoire fut sans aucun doute d'être dans l'incertitude la plus totale jusqu'au bout ; finalement, il me semble que cela m'a appris un peu de la philosophie africaine : on ne contrôle pas tout, comme je le disais à tous mes amis, "Inch'Allah" je partirai... J'ai également appris que dans ces cas-là, comme souvent d'ailleurs, on gagnait grandement à exposer la situation plutôt que de chercher à la cacher par peur du refus d'autrui.

 

La plupart des gens ne connaissent pas le diabète et c'est par ignorance qu'ils peuvent voir celui-ci comme un élément handicapant. Le simple fait d'expliquer les choses permet d'instaurer un climat de confiance et de franchise, qui par la suite peut se révéler bien plus profitable que les conséquences éventuelles d'une dissimulation du diabète..


Prochain défi à relever : m'intégrer dans une société complètement différente de la mienne, et arriver à équilibrer mon diabète dans un pays où l'on mange très sucré, salé et gras avec en bonus pas mal d'infections qui trainent (dont le paludisme par exemple !).
L'avenir nous dira si j'y parviendrai ou non !

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