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Diabète et carrière stoppée net : des patients témoignent !

Témoignages de patients : perte d'emploi à cause du diabète

La lutte contre les métiers interdits est un combat de longue date de la Fédération et la législation a évolué en faveur de la protection des droits des patients. Pourtant, nous continuons d’être contactés par des personnes déclarées inaptes d’office suite à un diagnostic de diabète ou un changement de traitement, et qui perdent leur emploi. Témoignages.

 

Malgré les évolutions législatives et l’inscription dans la loi du principe d’une évaluation au cas par cas de l’aptitude médicale, de nombreuses personnes rencontrent encore des difficultés et sont déclarées inaptes uniquement du fait de leur diabète. De nombreux postes demeurent, dans les faits, inaccessibles. Nous avons vu que cela était le cas à l’entrée en fonction mais en cas de diagnostic en cours de carrière, certaines personnes ont perdu leur emploi à cause de ces règles archaïques.

 

Cédric et Yannick contraints d’arrêter leur activité dans le transport ferroviaire

Cédric est agent de voie à la SNCF depuis plus de 18 ans. En juin 2023, un diabète de type 1 lui est diagnostiqué et malgré cela, il continue à pratiquer une activité physique hebdomadaire et sans contraintes. Ses résultats glycémiques sont bons. Très bien suivi par son médecin et un professeur en diabétologie, il se rend à la visite périodique de sécurité avec tous les justificatifs prouvant l’équilibre de son diabète. Pourtant, il est déclaré inapte et ce bien qu’il démontre n’avoir jamais eu de malaise dans le cadre de son emploi. De plus, il indique qu’il travaille en équipe et que tous les membres de cette équipe sont avisés de la pathologie. Et surtout, le médecin du travail qui le suit régulièrement établit un certificat d’aptitude à son poste. Rien n’y fait, le médecin  d’aptitude, qui remplit le document permettant d’obtenir ou de conserver ses habilitations de sécurité, le déclare inapte définitivement. Cédric est sous le choc mais déterminé à se battre : il a déposé un recours devant la Commission ferroviaire d’aptitudes.


De son côté, Yannick est employé de Fret SNCF. Il a l’aptitude à conduire des trains de fret et est également formateur des agents de conduite des trains. Son diabète de type 2 n’avait jamais posé de problème jusqu’à ce que son traitement comporte de l’insuline. Dès la modification de son traitement, il lui a été interdit de conduire un train et d’animer des formations engins moteurs. Il va, de ce fait, perdre sa licence ferroviaire. Pourtant, comme Cédric, il n’est jamais seul lorsqu’il fait de la formation et de la certification. C’est surtout cela qu’il souhaite conserver. Il connaît bien sa pathologie et il est expérimenté dans son métier. Il indique qu’il ne présenterait pas de recours si son état de santé n'était pas stable et s’il n’avait pas une excellente maîtrise de son diabète : « Je suis conscient des risques. Je suis formateur, un formateur expérimenté et intransigeant qui aime transmettre ses connaissances. On ne transige pas avec la sécurité. De plus, il y a plein d’automatismes qui arrêtent le train en cas de défaillance du conducteur : les trains ont tous des alertes pour assurer la sécurité, c’est la règle de fonctionnement normale. Beaucoup de malaises ne préviennent pas à l’avance et ce dispositif est là pour ça. Moi, mon risque d’hypoglycémie peut être prévenu grâce au capteur  afin que je n’arrive pas à l’hypoglycémie. »
En effet, les personnes qui vivent avec un diabète ont des examens médicaux très fréquents afin que leur état de santé soit stable et leur traitement adapté. Les éventuelles complications peuvent donc être largement anticipées. Il n’est donc pas justifié d’empêcher ces personnes d’exercer leur métier.

Yannick savait qu’en passant à l’insuline, il risquait l’inaptitude lors de la visite de sécurité : « J’y étais préparé, je le savais, je connaissais la sanction suite à la modification de traitement. Mais quand je suis allé chez mon diabétologue, une personne de l’Association Française des Diabétiques de Metz m’a dit que je pouvais me battre et que les choses pouvaient changer. Alors je me suis intéressé à ce qui se faisait ailleurs en Europe et dans le monde, sur les trains et sur d’autres métiers comparables en termes de sécurité. Je suis conscient qu’il faut faire très attention, pour autant ma démarche n’est pas déraisonnable ni dangereuse car mon état de santé est stable et que je peux en attester médicalement. Je sais que ça a pu changer pour certaines pathologies donc il ne faut pas que les patients aient peur de faire des recours : à force de demander, peut-être qu’il y aura une prise de conscience de la médecine que nous ne sommes pas une population qui entraîne des risques car en plus nous sommes extrêmement surveillés médicalement. C’est ça que je voudrais mettre en avant : il faut que l’on se batte et que l’on fasse des recours. Je ne le fais pas que pour moi, c’est aussi une démarche collective ! Il y a toujours quelqu’un qui s’est battu en premier et qui a ouvert la voie aux autres. »

 

Yohan, une carrière de marin stoppée net

Dans le secteur maritime, comme dans le secteur ferroviaire, les inaptitudes d’office continuent. En effet, les textes  qui indiquent les conditions d’aptitude des gens de mer n’ont toujours pas été modifiés malgré la loi du 6 décembre 2021 relative aux restrictions d’accès à certaines professions en raison de l’état de santé. Cette loi précise que l’évaluation de l’aptitude médicale doit être effectuée de manière individuelle. L’absence d’évaluation individuelle conduit à des situations dramatiques, comme celle que Yohan nous décrit :

« J’ai commencé la pêche en 2007 et je suis devenu patron pêcheur en 2010. Mon diabète de type 1 a été diagnostiqué en 2016. Entre 2016 et 2021, lors des visites médicales périodiques, les médecins ne remarquaient pas mon diabète malgré une perte de poids très importante et la question ne m’a jamais été posée. À l’époque, j’étais traité par insuline via des stylos. Je n’ai pas déclaré mon diabète aux services médicaux.

En 2021, ils ont demandé des prises de sang. Avant cela, aucune prise de sang ne m’avait été demandée. C’était toujours, depuis le début, le même médecin qui me recevait ; or cette année-là il partait en retraite . Il a demandé des prises de sang et d’autres examens et je savais que mon diabète, même bien équilibré, allait compromettre mon aptitude à la navigation. J’ai effectué les examens demandés et le 21 juillet 2021 mon inaptitude a été déclarée par les services maritimes.

Aujourd’hui, mon taux d’hémoglobine glyquée est largement en-dessous des préconisations (6,1 %), je porte une pompe à insuline. Pourtant, l’évaluation médicale d’aptitude n’est pas différente. Le diabète conduit automatiquement à l’inaptitude alors que plusieurs propositions ont été faites : 
-    Mon cousin, avec qui je travaille, était prêt à passer un module 2 pour être secouriste diabète, équiper son bateau de tablettes qui auraient été connectées au capteur. Mon cousin trouvait l’inaptitude insensée et était prêt à me laisser être patron en connaissant les potentiels risques. Il a fait une attestation. De plus, mes employés étaient au courant et connaissaient la marche à suivre en cas de besoin. Je travaille dans l’entreprise familiale, je voudrais au moins pouvoir être matelot avec mon cousin. 
-    La CFDT maritime, qui m’accompagne depuis le début, avait proposé que l’on équipe un autre marin d’une pompe à insuline vide pour montrer que la pompe ne pose pas de problème avec l’habit de marin (la cotte de ciré notamment). Mais cela n’a pas été accepté et nous ne pouvons pas le faire nous-même car il n’est pas possible d’obtenir une pompe à insuline.

Dès la déclaration d’inaptitude, j’ai engagé des démarches de recours. Arrêter mon métier a été un très très gros coup dur. Cela a entraîné un divorce, la vente de la maison et ne parlons pas des soucis financiers. Je suis actuellement garçon de cuisine sur un carferry. J’ai deux enfants et je souhaite à tout prix pouvoir continuer à être sur le pont. Je suis passé devant 5 commissions maritimes avec des médecins différents à chaque fois. Lors des recours devant les commissions, j’ai apporté des documents de suivi de mon diabète. Les médecins de Cherbourg appuyaient mon cas pour que je reste apte, mais à chaque fois devant les commissions l’inaptitude était déclarée. Dans la profession, tout le monde trouve ça injustifié.

Et c’est d’autant plus injustifié que j’ai maintenant une pompe à insuline en boucle fermée hybride. J’ai passé des commissions depuis que j’ai la pompe et cela n’a eu aucun effet. Alors que ce dispositif est encore plus sécurisé  ! Mais même avant ça, je n’avais jamais eu aucun problème en étant patron pêcheur. Jamais la sécurité des autres, la sécurité maritime, n’ont été compromises.

Ce qui est plus dangereux, c’est que les lois actuelles conduisent les personnes qui ont un diabète ou d’autres pathologies chroniques à le cacher et donc à ne pas s’équiper. Et ça, c’est dangereux. Par exemple, dans l’infirmerie du carferry où je travaille, il n’y a pas d’insuline. S’il y a un problème, il faudra appeler l’hélicoptère. Ils sont au courant que j’ai un diabète et j’ai toujours plus de stock d’insuline que nécessaire, mais imaginez pour quelqu’un qui cacherait sa maladie ? Je sais qu’il y a des personnes qui la cachent. Qu’est-ce qu’il se passerait s’il y avait un problème alors que le médecin et l’infirmerie ne sont pas au courant ?


On n’a pas du tout la sensation d’une étude des situations au cas par cas. Tu as un diabète insulino-dépendant, tu es inapte, c’est comme ça. Pourtant, mon endocrinologue, qui connaît bien mon état de santé, ne voit pas de contre-indication à ce que je revienne sur le pont. Je sais qu’il ne faut pas dépasser une HbA1c, mais mon diabète est stable, je fais tous mes examens, je me traite bien, je ne comprends pas pourquoi je ne peux pas être apte. Les lois actuelles ne sont pas adaptées. Et bientôt, on va me retirer mon brevet de capitaine car je n’ai pas navigué... »

Pour la Fédération Française des Diabétiques, les situations de Cédric, Yannick et Yohan sont profondément injustes et injustifiées. Pourtant, la loi et les pratiques n’évoluent pas. Nous maintenons donc notre engagement ! Comptez sur nous pour tenir bon !

 

Pour plus d’informations sur le diabète et l’activité professionnelle, retrouvez notre guide Diabète et Travail 

Pour un échange individuel sur vos démarches juridiques en lien avec votre diabète et pour nous faire part de votre témoignage, contactez Diabète et Droits :
-    Par mail à l’adresse juriste@federationdesdiabetiques.org
-    Par téléphone le mardi de 8h à 12h30 et le jeudi de 13h30 à 18h au 01 40 09 24 25
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Crédit photo : Viacheslav Yakobchuk