Vous le savez, la lutte contre les métiers interdits est un combat de longue date de la Fédération et la législation a évolué en faveur de la protection des droits des patients. Métiers interdits : l’action de la Fédération Française des Diabétiques. Pourtant, la loi n’est pas toujours bien appliquée et certains patients sont encore déclarés inaptes d’office.
Malgré les évolutions législatives et l’inscription dans la loi du principe d’une évaluation au cas par cas de l’aptitude médicale, vous êtes encore nombreux à nous contacter car vous rencontrez des difficultés et avez été déclaré inapte du fait de votre diabète. Faisons le point ensemble sur ces situations, vos droits et vos recours en découvrant des témoignages inédits.
Amélie n’a pas pu être aiguilleuse du rail
Amélie, 37 ans, convoitait un poste d’aiguilleur du rail. Elle explique que les étapes du recrutement ont été très longues : 5 étapes à valider avant de pouvoir passer à la suivante. La visite médicale est la dernière étape. Amélie ressent « beaucoup de frustration et de déception [lorsqu’] après six mois de mon temps et d’engagement, j’ai eu l’impression d’être jetée comme un mouchoir usagé. » En effet, c’est son diabète de type 1 qui lui barre la route vers la dernière étape du recrutement. Lors de cette étape, sa pathologie est considérée comme incompatible avec la fonction à exercer et Amélie est déclarée inapte. Accompagnée par la Fédération, Amélie a effectué un recours grâcieux devant la Commission ferroviaire d’aptitudes. Malheureusement, son inaptitude a été confirmée.
Si Amélie a aujourd’hui trouvé « un travail avec des personnes qui [me] respectent à ma juste valeur » et qu’elle se dit épanouie, elle est engagée aux côtés de la Fédération « pour aider tous les jeunes diabétiques qui rêvent d’un métier qui leur est encore interdit malgré les évolutions de la médecine ».
Boris et Lilian, empêchés d’accéder à leur vocation à la Police nationale
Boris, 40 ans, vit avec un diabète de type 1. Il a été déclaré inapte pour rejoindre la réserve opérationnelle de la Police nationale. Pourtant, sa condition médicale correspondait aux critères de sélection, comme en attestaient son diabétologue et son employeur actuel et alors même qu’il exerce un métier particulièrement physique et qu’il est secouriste bénévole. La raison invoquée ? Son diabète de type 1. C’est tout. Aucune autre justification n'a été apportée et les justificatifs médicaux fournis n’ont même pas été pris en compte par le médecin d’aptitude. Le conseil médical, qui a réétudié son aptitude suite à son recours grâcieux, n’a pas non plus pris en compte les justificatifs médicaux apportés : « J’ai reçu un courrier type sans éléments indiquant le motif. Je suis extrêmement en colère de cette situation d’exclusion » indique Boris, déterminé à faire valoir et respecter ses droits et ceux de toutes les autres personnes vivant avec un diabète.
Il a ainsi engagé une procédure devant le tribunal administratif. Il a aussi mis en ligne une pétition, a contacté les 577 députés de l’Assemblée nationale et a réussi à entrer en contact avec le cabinet du ministre de l’Intérieur : « 3 ans de délais pour passer devant le tribunal administratif de Rennes, dont dépend le service médical de la réserve ouest. Il n’est pas possible d’attendre ! Pour moi comme pour d’autres. J’espère gagner du temps et ouvrir la porte à d’autres camarades comme moi ! Les règles doivent être respectées des deux côtés : je suis respectueux des institutions et j’attends le même retour de l’État envers les citoyens ». Comme nous, il n’est pas près de lâcher le combat et nous affirme « je tiens absolument à combattre cette injustice » !
Boris avait aussi, avant cela, tenté de rejoindre la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale et s’était heurté aux mêmes obstacles. Il a aussi envoyé plusieurs courriers à l’administration mais cela n’a pas permis une réévaluation en sa faveur : « J’ai l’impression que l’administration cherche à nous épuiser, le SIGYCOP* a été retiré pour la réserve et si on pose la question au centre médical des réservistes, il répond que l’inaptitude est maintenue pour les diabétiques de type 1. Pourtant, je me rappelle du tweet du ministre des Armées en décembre 2024 à ce sujet : « Nous réformons la logique des règles d’aptitude médicale pour intégrer la réserve : au lieu de critères uniques et uniformes, ils seront adaptés à chaque fiche de poste. Cela permettra, par exemple, aux diabétiques de type 1 de rejoindre la réserve. Au premier trimestre 2025, des aménagements similaires seront pris concernant l’active ». On me parle de valeurs militaires ? Je ne vois plus les choses du même œil ».
Lilian est dans une situation comparable. Lui aussi exerce un métier physique et potentiellement stressant puisqu’il est superviseur au SAMU, référent cellule de crise dans l’unité fonctionnelle « médecine de catastrophe ». Il est en contact avec le public et la foule et il est capable d’efforts intenses et prolongés, des capacités qui sont visées par les textes qui indiquent les conditions de santé applicables aux réservistes opérationnels. Et pourtant, à cause de son diabète de type 1, la porte lui a été claquée au nez. Voici son témoignage :
« Depuis toujours, entrer dans la police était un rêve de gosse. Très vite, j’ai compris que ce rêve serait difficilement réalisable, alors j’ai trouvé une autre voie, toujours tournée vers les autres, qui aujourd’hui me passionne.
Mais ce rêve interdit s’est ravivé avec les nouvelles lois, clairement en notre faveur : finies les discriminations et les inaptitudes d’office. J’ai alors commencé à m’intéresser à la réserve opérationnelle de la police, une opportunité de faire du terrain tout en conservant mon métier au sein du SAMU.
J’ai donc entamé les démarches : dossier de sélection, oral, etc. et enfin, la fameuse visite médicale d’aptitude. Je m’y suis rendu sans avoir de grandes attentes, dubitatif. Et j’ai bien fait. Dès les premiers instants, quand l’infirmière a pris connaissance de mon diabète de type 1, son regard a changé. Il disait tout : peu d’espoir…
Un détail m’a particulièrement marqué : chaque avait pour consigne d’aller essayer les tenues après la visite médicale. Moi, rien. Le message était clair.
Puis le médecin est arrivé. En voyant ma pompe à insuline, il m’a lancé un regard empreint de pitié et a soufflé : « Pauvre jeune homme… » Il m’a quand même examiné et m’a dit : « C’est dommage que vous ayez cette maladie, parce qu’à part ça, vous êtes en pleine forme ! » Avant d’ajouter : « Le diabète, c’est un point rouge au recrutement. Ils ne veulent pas de diabétiques dans la police. »
Ce médecin ignorait totalement mon traitement. La boucle fermée avec ma pompe à insuline lui était inconnue. « Comment ça fonctionne ? » a-t-il demandé, surpris.
J’ai tenté d’argumenter, de lui montrer les textes de loi, des courriers prouvant mon bon équilibre glycémique… Rien n’y a fait.
Heureusement, la Fédération m’a soutenu dès le début pour déposer un recours auprès du médecin-chef de la Police nationale. Un recours rejeté, sans justification, malgré toutes les pièces que j’avais fournies.
Aujourd’hui, il est temps de se battre. Se battre contre des lois non appliquées, y compris dans les administrations de l’État. Se battre pour qu’aucune discrimination n’ait plus lieu. Il est temps que les choses changent réellement. »
Récemment, Boris et Lilian ont uni leurs forces et œuvrent main dans la main pour défendre l’accès des personnes vivant avec un diabète à la Police nationale, mais aussi à la réserve de la Gendarmerie nationale. « Cette rencontre est exceptionnelle ! En dehors de la maladie que nous partageons, nous avons la volonté d’être libres et d’intégrer les forces de l’ordre, sans oublier l’amour que l’on a pour les associations de secourisme auxquelles nous donnons de notre temps », déclare Boris.
Malheureusement, ils ne sont pas seuls dans cette situation : le service Diabète et Droits reçoit chaque mois plusieurs témoignages de personnes déclarées inaptes du seul fait de leur diabète, et cela dans plusieurs corps de métiers. Dans tous les cas, une contestation de la décision est possible. En premier lieu devant un collège de médecin, chargé de réévaluer votre aptitude. Ce recours, appelé recours grâcieux, doit être effectué dans un délai de deux mois à compter de la notification de votre inaptitude médicale. Il faut rédiger un courrier pour expliquer les raisons de votre contestation et joindre si possible des éléments de nature à démontrer que votre inaptitude n’est pas justifiée. La Fédération peut vous accompagner !
Si votre inaptitude est confirmée, alors une autre contestation peut être engagée devant le tribunal administratif.
Il faut toutefois savoir que les délais sont longs. C’est cela qui avait conduit Alizée, il y a plusieurs années, à se réorienter avant même qu’une décision favorable n’intervienne Découvrez le témoignage d’Alizée | Fédération Française des Diabétiques.
Et surtout, il n’y a pas que la Police nationale qui rejette les personnes vivant avec un diabète. C’est aussi le cas des Armées, de la Sécurité civile (pompiers volontaires et professionnels), du transport ferroviaire pour les postes comportant des tâches essentielles pour la sécurité ferroviaire , du transport aérien ou encore du transport maritime.
L’accès aux Armées, toujours bloqué : le cas de Aude
Fin 2024, après la levée du SIGYCOP * pour l’accès aux réserves des armées, le ministre indiquait que cela permettrait aux personnes atteintes d’un diabète type 1 de rejoindre la réserve. En pratique, cela n’est pas aussi simple : Aude, 18 ans, qui souhaitait rejoindre la réserve de la Gendarmerie nationale en parallèle de ses études, a été déclarée inapte avec pour seule justification… son diabète de type 1. Elle a contacté la Fédération, en plein désarroi et très étonnée de constater que le médecin l’avait déclarée inapte à la conduite alors que 7 mois plus tôt, elle avait fait valider son aptitude à la conduite par un médecin agréé par la Préfecture La délivrance et le renouvellement du permis … | Fédération Française des Diabétiques. Elle déclare : « je rêve d'être gendarme depuis 10 ans et avec la suppression du SIGYCOP* je pensais pouvoir le découvrir grâce à la réserve opérationnelle, mais du fait de ce refus je me sens complètement perdue quant à mon avenir professionnel et n'ai aucune autre idée de métier. C'est vraiment injuste. »
Pire encore, le service de santé des Armées a ensuite indiqué à la Fédération qu’en réalité, seuls certains postes sédentaires seraient ouverts aux personnes qui vivent avec un diabète de type 1. L’espoir des patients, suscité par les annonces du ministre lui-même, a été balayé d’un revers de main.
Pour plus d’informations sur le diabète et l’activité professionnelle, retrouvez notre guide Diabète et Travail
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*Le SIGYCOP est un profil médical permettant de déterminer l’aptitude d’un individu. Un score de 1 à 6 est attribué à chaque composante (lettre) et permet d’obtenir un score. A chaque corps de métier correspondait un chiffre maximal ; si la cotation était supérieure, le candidat était déclaré inapte.
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