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Diabète et maladie du « foie gras » non alcoolique

Si l'on connait bien les risques qu'un diabète déséquilibré fait courir au niveau du cœur, des artères et des reins, on sait moins que le foie est menacé par l'hyperglycémie chronique. Les personnes diabétiques de type 2 (ayant généralement un syndrome métabolique) ont un risque élevé de développer des maladies métaboliques du foie (stéatose hépatique non alcoolique, stéatohépatite non alcoolique). Etant une maladie silencieuse, l'enjeu est de pouvoir la dépister de façon précoce pour la prévenir ou retarder son évolution. La Fédération Française des Diabétiques fait le point avec le Pr Laurent Castéra, hépatologue dans service d’hépatologie de l’hôpital Beaujon à Clichy, Université Paris Diderot.

La Fédération : « Qu’est-ce que la maladie du foie gras (non liée à alcool) ? (NAFLD/ NASH) »

Le Professeur Laurent Castera : «  La maladie du foie gras est définie par la présence de gras dans le foie, la stéatose hépatique,ce que les anglo-saxons appellent la NAFLD (nonalcoholic fatty liver disease). Le terme « maladie du soda », a été également utilisé dans les médias mais je le trouve un peu réducteur car si les sodas peuvent induire la maladie du foie gras, c’est surtout la malbouffe qui est la plus souvent responsable. Les gens ont tendance à penser que c’est le gras qui est responsable du foie gras mais ce sont plutôt les sucres cachés, présents dans les aliments ultra-transformés. La maladie du foie gras atteint environ 25% de la population générale. La difficulté en fait, comme pour toutes les maladies du foie, c’est qu’elle n’entraîne aucun symptôme. C’est le syndrome du Dr Knock : « tout bien portant est un malade qui s’ignore ».

La maladie ne donnant aucun symptôme, le diagnostic est suspecté soit d’après l’augmentation des transaminases (bilan sanguin), qui ne sont pas un très bon marqueur, soit plutôt à l’échographie, en tenant compte du contexte et des facteurs de risque. En effet en pratique le contexte est extrêmement important. Pour vous donner un ordre d’idée, si vous avez moins de 50 ans et aucun facteur de risque du syndrome métabolique, votre risque est inférieur à 10%. Si au contraire vous avez plus de 50 ans et tous les éléments du syndrome métabolique, votre risque est supérieur à 90 %, donc c’est parlant ! Chaque facteur de risque du syndrome métabolique : l’obésité, le diabète, l’hypertension artérielle, et la dyslipidémie augmente le risque de façon linéaire.

La forme avancée et active de la maladie s’appelle la NASH (non alcoolic steatohapatitis) et concerne environ 10 % des patients ayant une stéatose. Dans ce cas, il y a non seulement du gras mais également une inflammation des cellules du foie avec le risque de développer une fibrose hépatique, voire une cirrhose. Les patients concernés sont à risque d’évoluer vers des complications et notamment le développement d’une cirrhose, voire d’un cancer du foie. Le challenge c’est de repérer les patients à risque.


La Fédération : « Pourquoi la maladie du foie gras métabolique est-elle étroitement liée au diabète de type 2 ? »

Le Professeur Laurent Castera : « 1er élément de réponse : Les diabétiques de type 2 ont souvent des facteurs du syndrome métabolique et donc cumulent les facteurs de risques. Deuxième élément de réponse : la stéatose, c’est la manifestation hépatique du syndrome métabolique dont le dénominateur commun est l’insulino-résistance. Celle-ci entraîne l’accumulation d’acides gras dans le foie et donc la stéatose. Quand on a un diabète de type de 2, on est plus à risque d’avoir une NAFLD, quand on a une NAFLD on est plus à risque de développer un diabète. C’est une relation dans les deux sens. » On estime que plus de 50% des personnes diabétiques de type 2 ont une NAFLD.


La Fédération : « Question intermédiaire : les personnes diabétiques de type 1 sont-elles autant à risque ? »

Le Professeur Laurent Castera : « Oui,  potentiellement, ce n’est pas le cas de figure le plus fréquent mais, oui. Bien sûr le plus souvent ce sont des personnes diabétiques de type 2.


La Fédération : « Comment la dépister chez les personnes diabétiques ? »

Le Professeur Laurent Castera : « La maladie est plus sévère chez les personnes diabétiques. Et il y a aussi clairement un lien avec l’équilibre du diabète c’est-à-dire si votre diabète est mal équilibré avec une hémoglobine glyquée élevée, là aussi vous êtes plus à risque d’avoir une NAFLD, probablement une NAFLD plus sévère. Il y a aussi une corrélation avec les autres complications du diabète et la prévalence de la NAFLD. Cela justifie vraiment une recherche systématique grâce à l’échographie. Et lorsqu’il y a une stéatose, je pense qu’il faut aller plus loin pour évaluer la sévérité de la fibrose grâce à  l’utilisation de méthodes non invasives. Celles-ci comprennent un score sanguin appelé le FIB 4 et la mesure de l’élasticité hépatique avec le FibroScan. Celui-ci ressemble à une échographie et permet de faire le diagnostic minute de cirrhose en consultation. La plupart des services de diabétologie n’en sont pas encore équipés. Lorsqu’on suspecte une cirrhose, il faut adresser le patient à un hépatologue et discuter une biopsie du foie.».


La Fédération : « Comment la prévenir et la traiter ? »

Le Professeur Laurent Castera : « Il faut la dépister pour essayer de la prévenir et la traiter. Les seules mesures qui ont fait la preuve de leur efficacité sont ce qu’on appelle les mesures hygiéno-diététiques, dont la Fédération Française des Diabétiques est très familière, en particulier, la réduction pondérale en adoptant un régime approprié et une activité physique régulière. Ainsi, il a été montré dans plusieurs études, qu’à partir d’une réduction de 10 % du poids initial et au-delà, la stéatose disparait complétement avec  une résolution de la NASH dans 90 % des cas et une amélioration de la fibrose, d’un stade au moins dans environ 30 à 40 % des cas. La mauvaise nouvelle c’est que malheureusement la proportion de patients qui sont capables d’atteindre cet objectif de 10 % est limitée, en général de moins de 10%. C’est la raison pour laquelle sont développées des approches pharmacologiques avec de très nombreuses molécules actuellement en cours d’évaluation dans des essais thérapeutiques. Il y a 8 études de phase 3 en cours, ce qui signifie que l’on peut espérer raisonnablement avoir des nouveaux traitements sur le marché prochainement.

En l’absence de traitement médicamenteux, la prévention est très importante : cela signifie dépister la maladie notamment chez les personnes diabétiques.  Le contrôle des facteurs de risque est également important : c’est-à-dire équilibrer le diabète, contrôler le poids et traiter bien sûr l’hypertension artérielle et les dyslipidémies. Je précise que la principale cause de mortalité chez ces patients, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce sont les complications cardiovasculaires, comme pour les personnes diabétiques : donc infarctus du myocarde et AVC…


La Fédération : « C’est important de le savoir, d’où le contrôle des autres facteurs de risques ? »

Le Professeur Laurent Castera : « Exactement c’est pour cela que je vous en parlais dans le chapitre sur la prévention, ce n’est pas une vision purement d’hépatologue, c’est une vraie vision comme vous avez en diabétologie c’està-dire de traiter tous les facteurs de risque. C’est une hygiène de vie et puis une maîtrise de tous les facteurs.


La Fédération : « Donc que conseillez-vous concrètement aux patients diabétiques ? Notamment aux personnes diabétiques de type 2 soignées principalement par leur médecin généraliste. »

Le Professeur Laurent Castera : « Je leur conseillerais d’en parler à leur médecin généraliste car j’ai remarqué que ceux-ci connaissent en général assez mal cette maladie. C’est très important de sensibiliser les personnes diabétiques mais aussi le grand public. Donc si vous avez des facteurs de risque, surpoids (la moitié de la population), obésité (17%), il ne faut pas hésiter à aller voir son médecin traitant. Comme je l’ai souligné précédemment, plus il y a de facteurs de risque plus la probabilité est grande. La première étape c’est d’effectuer un bilan hépatique, c’est-à-dire un dosage des transaminases et des gamma GT et une échographie hépatique. Ensuite s’il y a une stéatose à l’échographie, il faut faire une évaluation de la sévérité de la maladie avec le FIB-4. C’est un test très simple, basé sur une formule gratuite, qui comprend l’âge, le taux de plaquettes et les transaminases, que l’on peut calculer en ligne avec un résultat immédiat. Les patients à risque, (ceux ayant un FIB-4 > 1,3) devraient être orientés vers un spécialiste pour des examens plus approfondis. Je recommande aux autres patients (ceux ayant un FIB-4< 1,3) qui n’ont pas besoin d’un hépatologue, de continuer à suivre les mesures hygiéno-diététiques et de bien contrôler leur diabète. L’enjeu majeur est donc de repérer les patients à risque suffisamment tôt pour une prise en charge spécialisée précoce pour prévenir, voire retarder l’évolution de la maladie. »

 

Pour en savoir plus sur le diabète et les maladies du foie, téléchargez notre livret Diabète et maladies du foie : connaître et prévenir les complications sur votre espace personnel.

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