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Rencontre avec Marc Bengué, Bénévole Patient Expert atteint de diabète de type 1, et chanteur

Entretien avec Marc Bengue sur le diabete de type 1 et art.

Dans la continuité des entretiens sur le thème de l’art et du diabète, la Fédération a rencontré Marc Bengué, 66 ans, retraité et Bénévole Patient Expert (BPE) atteint d’un diabète de type 1 en s’intéressant à sa pratique artistique : le chant choral.

 

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

« Bonjour, je m’appelle Marc Bengué et je suis BPE à l’Association des Diabétiques d’Île-de-France. J’ai été diagnostiqué d’un diabète de type 1 à l’âge de 29 ans. À cette période, la musique faisait déjà partie de ma vie. Pour tout vous dire, je chantais déjà plus que je ne parlais quand j’étais petit. 
Après une carrière dans le domaine bancaire, j’ai développé une activité de coaching de la voix. La voix est un sujet sérieux, car c’est ce que nous renvoyons aux autres sans pour autant la connaître. Elle est comme un miroir de notre âme. Beaucoup de personnes n’aiment pas leur voix enregistrée et par le coaching, j’essayais de réconcilier les personnes avec leur voix.  
Depuis que je suis à la retraite, je fais du bénévolat parce que je voulais continuer à aider les autres. J’ai été patient expert d’abord en addictologie. C’était à la suite d’une dépression où j’ai été sujet à une consommation d’alcool excessive. J’en suis sorti et j’ai voulu témoigner aux autres qu’ils pouvaient s’en sortir également. Et maintenant je suis patient expert en diabétologie et j’interviens à l’hôpital Cochin pour accompagner, sur la base de mon expérience, les patients atteints de diabète qui changent de traitement, comme un passage sous pompe ou sous boucle fermée. »

 

« Le chant a été un réconfort énorme dans la vie avec la maladie, c’était une école précieuse pour mieux m’écouter. »

 

Pratiquiez-vous déjà le chant choral avant d’être diagnostiqué d’un diabète de type 1 ?  

« Lorsque j’étais enfant, je chantais déjà, puis j’ai arrêté à l’adolescence. J’ai redécouvert le chant choral lorsque mon épouse m’a dit qu’elle faisait partie d’une chorale. Je me suis donc remis à chanter à cette période, et lorsque mon diabète s’est déclaré, le chant faisait déjà partie intégrante de ma vie. Le chant a été un réconfort énorme dans la vie avec la maladie, c’était une école précieuse pour mieux m’écouter. Je suis ensuite rentré dans différentes chorales, dont la Maîtrise des Hauts-de-Seine pendant plus de 20 ans. Maintenant que je suis retraité, j’ai rejoint une chorale amateure de bon niveau près de chez moi. Je continue à chanter, cela fait partie de mon hygiène de vie. 
Étant jeune, j’ai aussi découvert le piano. Je me suis aperçu que j’étais capable de reproduire les airs à l’oreille. Le piano a aussi été un pilier de mon existence. »

 

« La musique et le chant choral font partie de mon existence de DT1 et de Bénévole Patient Expert. »

 

Observez-vous que votre pratique artistique vous aide à mieux vivre avec votre diabète ? 

« La musique, c’est à la fois l’expression d’une résilience et de mon existence. Quand je dis résilience c’est que j’avais effectivement une maladie chronique et en même temps j’avais des responsabilités professionnelles et personnelles de plus en plus importantes : travail, femme, enfants.  Il y avait un contexte qui était pour moi stimulant mais en même temps, j’étais seul à surmonter mon diabète de type 1. Lorsque nous sommes atteints d’un diabète insulino-dépendant, on est un petit peu seul avec ses peurs : la peur du déséquilibre glycémique, la peur de ne pas être à la hauteur. Il y a toujours cette crainte et la musique m’a donné la force de ne plus avoir peur. La musique et le diabète étaient deux écoles pour mieux m’écouter, alors que j’avais tendance à être désinvolte, à me dire que le corps suivrait. C’est une vraie école d’apprentissage de soi. 
En tant que chanteur atteint de diabète, je dois anticiper mes efforts avant et pendant un concert, être vigilant et prudent. Surtout qu’une représentation, dans le cadre du chant choral implique un chœur et un public, donc ma responsabilité individuelle est aussi collective. »

 

Avez-vous l’impression que la musique et le chant choral jouent un rôle dans votre équilibre au quotidien ? Ressentez-vous une dimension « thérapeutique » lorsque vous pratiquez votre art ?

 

« Je crois que la musique a toujours été considérée comme thérapeutique. Lorsque je chante en concert, ou que j’y participe, le partage de la joie a un effet bénéfique immédiat. Il renforce l’estime de soi et améliore la santé. Il y a une dimension thérapeutique dans la musique aussi bien pour celui qui l’entend que pour celui qui la fait. 
J’ai déjà chanté dans des services de soins palliatifs. J’ai vu effectivement, les patients être soulagés par l’écoute du chant choral. J’ai vu des personnes sourire, applaudir, être heureux alors qu’ils étaient à l’antichambre de la mort. C’est extrêmement émouvant. 
Je crois, paradoxalement, que dans cette activité gratifiante, j’en oublie, non pas ma maladie, mais que je suis malade. Gérer sa maladie tout en vivant normalement est bénéfique. »

 

« De nombreux artistes ont créé des œuvres magnifiques malgré leur maladie chronique. Je pense qu’il s’agit d’un cri sensible, humain et universel. »

 

Selon vous, pourquoi les personnes atteintes de diabète de type 1, et atteintes d’une maladie en général, s’orientent-t-elles vers le milieu artistique ? Y a-t-il des figures inspirantes qui vous ont marqué ?

« La musique est une école de la résilience et l’expressivité que l’on retrouve dans les grands compositeurs de musiques, est quelque chose d’assez merveilleux. Je pense à la chanteuse de jazz Ella Fitzgerald. Elle avait un diabète de type 2, avec des complications très sévères, qui l’ont menée à la cécité et à l’amputation. Cela ne l’a pas empêchée de faire des représentations jusqu’à sa mort. L’affaiblissement de son corps n’était rien parce que son âme était intacte. Sa voix est pleine d’espoir et de vie et je suis admiratif de sa manière de chanter.  
Je pensais également à Chopin, atteint de tuberculose, qui avait une santé extrêmement fragile. Il a réussi à exprimer des soupirs, des élans réfrénés, des côtés passionnels à travers sa musique. Dans la musique, il y a une dimension universelle et la possibilité d’exprimer ce qui ne peut être exprimé par des mots. 
La résilience c’est aussi le compositeur et pianiste Beethoven. À 27 ans il était déjà atteint de surdité. Pourtant il a composé la 9ème symphonie, une œuvre magique, qu’il a faite en étant quasiment sourd. 
Quelque part, il y a quelque chose qui survit à l’être par la création. C’est un message tellement humain et universel qu’on ne peut pas être insensible. De nombreux artistes ont créé des œuvres magnifiques malgré leur maladie chronique. Je pense qu’il s’agit d’un cri sensible, humain et universel. »

 

Quel message transmettre à un patient atteint d’un diabète qui hésite à se lancer dans une activité artistique ?

« Créer malgré ou grâce à la maladie nous rend plus forts et rend plus forte l’expression de notre art. Je ne peux qu’encourager à la pratique d’une activité artistique. »

Nous quittons Marc avec un beau message de fin : « L’art ne nie pas la maladie, mais permet son expression et participe à son apaisement. »

Pour en savoir plus : 
-    Découvrez l’entretien sur le théâtre et le diabète de type 1 avec Stanislas Roquette, comédien, metteur en scène et auteur ;
-    Retrouvez l’ensemble des entretiens sur le diabète et l’art : Diabète et art : la Fédération lance le sujet !
-    Retrouvez des œuvres en lien avec le diabète dans la rubrique « Vu/Lu » du magazine équilibre de la Fédération. Pour vous abonner, cliquez ici ;
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entretien, qui sera consacré au Théâtre du Vécu !

Crédit Photo : Fédération